Bruxelles, le 12 février 2024
Le 8 mars, les citoyens irlandais se prononceront par référendum sur la modification de certaines parties de leur constitution. Deux amendements seront soumis au vote lors de la Journée internationale de la femme, l’un d’entre eux pouvant modifier la définition du mariage et de la famille.
Le premier article qui sera soumis au vote s’engage actuellement à protéger « avec un soin particulier l’institution du mariage, sur laquelle est fondée la famille, et à la protéger contre toute attaque ». L’amendement proposé modifierait la formulation pour permettre à l’État de reconnaître « la famille, qu’elle soit fondée sur le mariage ou sur d’autres relations durables, comme l’unité naturelle, primaire et fondamentale de la société ».
Le deuxième article soumis au vote concerne la questions des soins apportées par les membres de la famille. Il remplacerait l’affirmation actuelle selon laquelle « par sa vie au sein du foyer, la femme apporte à l’État un soutien sans lequel le bien commun ne peut être atteint ». La nouvelle version, une fois adoptée dans les urnes, reconnaîtrait que « la prestation de soins, par les membres d’une famille les uns envers les autres en raison des liens qui existent entre eux, apporte à la société un soutien sans lequel le bien commun ne peut être atteint ».
En Irlande, la nécessité d’un référendum sur l’extension de la définition de famille dans la constitution a récemment été remise en question à la lumière d’un arrêt de la Cour suprême sur les droits d’un père célibataire à l’aide sociale. La Cour suprême a décidé à l’unanimité que l’exclusion du père célibataire survivant de trois enfants de la pension contributive de veuf (WCP) était inconstitutionnelle. Cette affaire soulève la question de savoir si le mariage doit encore jouer un rôle spécifique aujourd’hui ou s’il doit être considéré sur un pied d’égalité avec d’autres relations non maritales. Angelo Bottone, président de Family Solidarity Ireland (l’association irlandaise faisant partie de la FAFCE), nous a parlé de cette question et de la nécessité de repenser au rôle unique de la famille, basée sur le mariage entre un homme et une femme, dans la société d’aujourd’hui :
FAFCE : Nous observons les derniers développements en Irlande concernant l’affaire O’Meara et les amendements constitutionnels. Il a été avancé que les personnes non mariées sont de facto reléguées au second plan par la formulation actuelle de la constitution, puisque « la famille » est « basée » sur le mariage. Des efforts semblent être déployés pour empêcher que le mariage soit présenté comme quelque chose de supérieur à d’autres formes de vie. Quelles sont les conséquences de ces efforts sur l’image du mariage en tant que tel?
AB : Dans toutes les grandes civilisations, le mariage a été considéré comme une institution unique, constituant le fondement de la société. L’État a intérêt à promouvoir le mariage parce que c’est le meilleur endroit pour la naissance des enfants, car il offre la stabilité d’une mère et d’un père unis dans une relation publiquement engagée. Les couples non mariés qui souhaitent bénéficier des mêmes avantages que les couples mariés sont libres de se marier et ceux qui choisissent de ne pas se marier ne doivent pas s’attendre à bénéficier des mêmes avantages sans le même engagement. Avec cette proposition de référendum, le gouvernement nie pratiquement l’existence d’une différence fondamentale entre ces couples.
FAFCE : Comment l’attitude envers le mariage change-t-elle dans une société où les relations non maritales sont considérées comme égales et tout aussi souhaitables que les familles fondées sur le mariage entre un homme et une femme?
AB : Le mariage n’a pas d’égal. De nombreuses recherches ont constamment prouvé qu’il offre le meilleur environnement pour élever une famille stable. Les avantages d’une famille biparentale mariée pour le développement émotionnel, éducatif et social des enfants sont uniques et ne peuvent être répliqués dans d’autres arrangements.
Nous savons que la législation détermine la société, inspire les politiques et peut même stigmatiser la dissidence. Plus important encore, les normes juridiques ne suivent pas seulement les changements culturels, mais les induisent également. Le message de ce référendum, s’il est adopté, est que les relations non engagées et non reconnues publiquement ne sont pas significativement différentes du mariage. En conséquence, la promotion du statut spécial du mariage sera inévitablement perçue comme une forme de discrimination. Le mariage, déjà menacé par d’autres forces, sera encore plus fragilisé.
FAFCE : L’amendement proposé étendra le statut familial constitutionnel aux personnes engagées dans des « autres relations durables ». Mais la décision quant à la définition de « relations durables » sera laissée aux tribunaux et, en fin de compte, à la Cour suprême. Pourquoi ne reviendrait-il pas au législateur de décider des critères minimaux permettant de qualifier une relation non maritale de famille – une institution dont on dit qu’elle a des droits et des devoirs inaliénables et imprescriptibles et qu’elle constitue l’unité fondamentale de notre société ? Quelles pourraient être les conséquences concrètes d’une telle proposition d’amendement?
AB : L’expression « relations durables » est extrêmement vague. Comme elle n’est pas définie, elle laisserait d’importantes interprétations juridiques au pouvoir judiciaire, ce qui conduirait à l’imprévisibilité et à l’incohérence dans la manière dont les relations familiales sont reconnues et traitées en vertu de la loi. Alors que la polygamie ou la polyamorie ne sont actuellement pas reconnues par la loi, personne n’est empêché d’être impliqué dans plusieurs « relations durables ». Si le référendum est adopté, une possibilité particulièrement préoccupante est la reconnaissance légale des relations polygames ou polyamoureuses sous le couvert de la « famille ». Cela pourrait également élargir considérablement les critères d’éligibilité au regroupement familial dans la législation irlandaise sur l’immigration, ce qui entraînerait des conséquences sociales et juridiques imprévues et peut-être insoutenables.
De plus, dans le mariage, le consentement explicite est primordial et doit être exprimé clairement devant deux témoins et sous la supervision d’un célébrant. L’État sait également exactement quand il commence et quand il se termine. En contraste, l’expression « relations durables », tellement nébuleuse, ne contient aucune stipulation formelle pour un tel consentement explicite ou des critères établis pour sa vérification et sa durée. La proposition avancée par le référendum pourrait potentiellement conduire à la reconnaissance du statut familial pour des relations qui peuvent ne pas être fondées sur un consentement mutuel, à condition qu’elles présentent une certaine apparence de durabilité. Par ailleurs, les « relations durables » peuvent être interrompues abruptement par l’un des partenaires impliqués, à tout moment et sans raison.
FAFCE : L’État est actuellement autorisé par la loi à remédier aux injustices perçues par les personnes engagées dans des relations durables et qui ne sont pas mariées. Compte tenu de la baisse des taux de mariage, est-il socialement bénéfique ou sage de faire du non-mariage la norme la plus facile, la plus égale et la plus répandue en matière d’éducation des enfants ?
AB : L’affaire O’Meara, qui a étendu la pension de veuve à un partenaire non marié, prouve qu’il n’est pas nécessaire de modifier la Constitution pour accorder certains avantages matrimoniaux à d’autres situations. On peut se demander dans quelle mesure cette décision de la Cour suprême était judicieuse. Néanmoins, nous, en tant que Family Solidarity, pensons que la Constitution actuelle donne suffisamment de latitude aux législateurs, ou aux tribunaux, pour amender ce qui pourrait être considéré comme des injustices, sans altérer le rôle fondamental du mariage dans l’établissement d’une famille. Un vote dans la direction opposée diluerait la valeur unique du mariage, avec des effets néfastes sur la société. Les efforts du gouvernement pour redéfinir les structures familiales reflètent une mauvaise compréhension de l’importance naturelle et sociale du mariage, risquant d’éroder des valeurs qui ont longtemps été considérées comme centrales pour la santé et la stabilité de la société. Comme nous l’avons dit dans notre manifeste, « il ne s’agit pas seulement d’un vote pour la préservation de notre héritage culturel, mais d’une prise de position pour la stabilité et l’intégrité futures de notre nation ».