Bruxelles, le 2 octobre 2024

NB : Ci-dessous se trouve une traduction française d’une tribune du président de la FAFCE, Vincenzo Bassi, parue dans le journal italien Avvenire le 27 septembre 2024.

Grâce au rapport Draghi, l’Europe est désormais un sujet central de discussion. Alors que nous participons à ce débat, il est important de considérer le rapport au travers du prisme des familles, qui sont la pierre angulaire de la société future en Europe.

Le rapport est complet, mais il aurait pu être plus percutant s’il avait encadré la compétitivité des entreprises dans le contexte plus large du développement économique à long terme de l’Europe, en particulier du point de vue des jeunes générations. Alors que nous faisons face au déclin démographique, le rapport néglige le besoin d’investissement dans la démographie pour garantir un équilibre intergénérationnel pour l’avenir.

Pourquoi la question démographique est-elle absente du rapport ?

Certains pensent que la croissance démographique et les familles ne sont pas essentielles au développement économique. Ils soutiennent que le progrès économique peut être atteint en s’attaquant au « déficit démographique » sans prendre en compte les familles au-delà de leur rôle de consommateurs. Cependant, cette vision est limitée et déconnectée de la réalité. Sans familles et sans enfants, il n’y a pas de capital humain, et sans capital humain, la croissance économique est impossible. Les enfants sont le moteur de la société, et les familles en assurent la stabilité.

Étant donné le faible taux de natalité en Europe (en 2022, la moyenne était de 1,46 enfant par femme, alors qu’il en faudrait 2,1 pour le remplacement des générations), le rapport aurait pu proposer des solutions aux défis démographiques. Cela aurait incité la Commission européenne à considérer les politiques démographiques comme des investissements plutôt que des coûts sociaux, permettant ainsi aux pays de les planifier sur le long terme.

Au lieu de cela, le rapport aborde la démographie uniquement en termes de productivité, en notant que la baisse des taux de natalité réduit la productivité et en suggérant des investissements pour contrer cela, mais sans s’attaquer à la cause profonde de la crise démographique.

C’est là que nous devons commencer. Avec les taux de natalité actuels, même les efforts pour améliorer la productivité (tels que la numérisation et une meilleure formation) ne pourraient pas suffire. Dans ce scénario, la compétitivité des entreprises ne pourrait être maintenue que par des coûts de main-d’œuvre bas, ce qui, surtout en période d’inflation, est une solution peu soutenable pour les entreprises et préjudiciable aux ménages et à leurs économies.

Le rapport mentionne bien les économies des ménages comme une ressource potentielle pour renforcer la compétitivité. Cependant, demander aux familles—en particulier celles réputées pour leurs habitudes d’épargne—de canaliser leurs économies dans des fonds européens gérés centralement pourrait priver les zones locales de ressources dont elles ont besoin, notamment pour prévenir la dépopulation des régions rurales.

Il est vrai que l’Europe doit accroître son influence internationale, notamment par des exportations plus fortes. Mais cela ne peut pas se faire au détriment de la demande intérieure. Un équilibre est essentiel. Se concentrer uniquement sur les marchés internationaux pourrait profiter aux grandes entreprises, mais présente des risques pour les familles, les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les zones rurales. Prioriser la compétitivité des entreprises au détriment de ces communautés risque de saper l’Europe imaginée par des leaders comme De Gasperi, Schuman et Adenauer, dont l’objectif était le bien-être familial, la paix et la solidarité entre les communautés nationales—et non seulement la domination des marchés mondiaux.

On espère maintenant que la nouvelle Commission européenne élargira le rapport pour inclure la démographie comme un facteur clé du développement économique et de la cohésion sociale. Après tout, ce sont les familles et les communautés qui sont à la fois les bénéficiaires et les véritables moteurs des politiques européennes.